Sombre plume
La Comédie de Dante traduite par Kolja Micevic,
par Tiephaine Sutzer pour Babelio.
Lire la Comédie de Dante est toujours une aventure littéraire. Je l’ai lue la première fois il y a une dizaine d’années, et y revenir était un plaisir que j’attendais avec impatience.
Et quel bonheur!
La traduction de Kolja Micevic est tout simplement excellente, la meilleure dont je pouvais rêver. La minutie avec laquelle il a respecté la technique poétique de Dante est tout simplement magistrale. Les rythmes, les rimes, cette fameuse Terza Rima, l’emplacement des noms au coeur du vers ou en position de rime, la richesse de la langue dantesque, tout y est, du début à la fin.
Mais ce que j’ai le plus apprécié, au-delà de ce travail qui déjà mérite les éloges, est que Kolja Micevic s’est employé à signaler dans les notes chaque fois qu’il a dû adapter sa version ou choisir tel mot plutôt qu’un autre, permettant de mieux saisir les nuances du texte original. En plus de ses propres notes, Kolja a également inclus les notes de précédents traducteurs de Dante, comme Rivarol ou Arnaud de Montor, qui éclairent sur le sens parfois obscur de tel ou tel passage. C’est à dire qu’en plus de produire un texte quasi-parfait et de donner des indications pour les futurs traducteurs et ses lecteurs, Kolja Micevic nous fait plonger dans la tradition dantesque en nous tenant par la main pour nous faire rencontrer ses prédécesseurs.
Kolja nous dévoile en plus les arcanes de la poésie de Dante, cette « rimagination » qu’il révèle avec une passion qu’il parvient à transmettre à son lecteur.
Et si cela ne suffisait pas, la Comédie s’accompagne ici d’un index des noms rencontrés dans l’Enfer, le Purgatoire et le Paradis, et offre parfois de précieux renseignements pour comprendre le sens du poème.
A ce texte magistral s’ajoutent les illustrations de Vladimir Velickovic, dont le style colle parfaitement avec l’Enfer, mais un peu moins avec les deux autres parties de la Comédie.
Au final, mon seul regret aura été d’avoir dû précipiter ma lecture: reçu dans le cadre d’une opération Masse Critique (Merci à Babelio et aux Editions Esopie!), je n’avais que 30 petits jours pour déguster l’immense travail de Kolja Micevic. Trop court pour s’y plonger pleinement et en digérer chaque partie…
Les éditions Esopie ont vraiment fourni un travail remarquable sur ce livre, malgré une ou deux petites imperfections très, très mineures. L’ouvrage est vraiment beau et résistant, avec un papier de qualité très agréable au toucher. Je me permets deux petites remarques pour les éditions ultérieures: l’absence de numéros de ligne a été un peu handicapant pour certains commentaires qui y font justement référence, et si j’ai beaucoup apprécié que les commentaires soient en fin de chant plutôt qu’en fin d’ouvrage comme c’est trop souvent le cas, il me semble personnellement que les avoir en bas de page améliorerait beaucoup la lecture.
Le travail de Kolja Micevic sur Dante est, à mon avis, le meilleur dont on puisse rêver. Sa version de la Comédie est un régal pour les connaisseurs, même si je conçois qu’elle soit ardue pour les lecteurs peu habitués à la poésie et qui découvrent Dante pour la première fois. Ses commentaires éclairants démontrent à quel point il a su pénétrer l’essence de la Comédie, et je ne vois pas comment on pourrait faire mieux, à part peut être en incluant la Vita Nuova en guise d’introduction « éclairante » et le texte original en regard.
Cette Comédie est un véritable bonheur que je ne peux que recommander chaleureusement. Un immense merci à Kolja Micevic d’avoir donné à La Comédie de Dante l’écrin qu’elle mérite dans la langue de Molière!