22. Je me présente (III),une poignée de mes poèmes « différents ».
Kolja Mićević
La traduction gauchie de l’Enfer et du Purgatoire
par Danièle Robert (Actes Sud, 2016, 2018).
EN ATTENDANT LE PARADIS
DANS LA TRADUCTION DE DANIÈLE ROBERT,
UNE POIGNÉE DE MES POÈMES « DIFFÉRENTS ».
Dans le texte précédent, Je me présente, II, j’ai déclaré que « j’étais le poète en français (en français, pas français) le plus différent dans la dernière décennie du dernier milénaire ». J’ai publié huit recueils de poésie entre 1992 et 1996, dont le nombre de vers dépasse légèrement le nombre de vers de l’Enfer et du Purgatoire, 11 000 ! Dans cet article je donnerai un petit choix de mes vers de mon cinquième recueil écrit directement en français, La Rue des Amants d’hier, lequel s’ouvre par ma traduction « brute » du premier chant de l’Enfer. Dans ces vers je parle de ma vie quotidienne, réduite à 12 mètres carrés, de la musique que j’y écoutais, des voyages ue j’ai faits, etc.
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PRÉLUDE DE TANNHÄUSER
Dirigé par Otto Klemperer
Doux vers tus
en rêve où ?
Grand’ouvertu-
re : vers vous,
Dame de vertu,
ou ailleurs ?
Gamin vert, tu
es ce voyeur
jamais sournois !
Toi, tu cours noi
-r de tout Mal
bu, de l’un à l’
autre tournoi
par ce bas val.
DESCRIPTION DE MON STUDIO
Le 17 Décembre 1992
C’est un appartement
pas du tout moi-
si, mais m’appartenant !
En ces trois mois
moi, je vais là déployer
là tout mon art :
un foyer demande un loyer !
Et de Mozart
jusqu’à ma plus se
-crète fête ! Astuce
bien fondée, ma Puce
musicienne : as-tu ce
même don d’élar-
gir le Monde et l’Art ?
ENTRE LA TABLE ET LE LIT
Quant à mes repas
et secs et crus tant
moi je les prépa-
re là en exécutant
ma quotidienne gym
tout en bloc, ou
fou je rime, ou j’im
-agine beaucoup
tant que les vapeurs
chantent ! Va, peur
par porte ! et je
lie ma Mab au lit
qui, là, me protège
et, seule, m’abolit.
DANS LE TRAIN
Entre Paris et Belfort-Héricourt où j’allais surveiller l’impression
de mon recueil Le lit défait
Te voilà dans
ce train
sans sens et sans
freins ;
rien, pour autant,
qu’un
espace du Temps,
qu’un clin
du temps à l’Espace,
qu’un brin
fin qui se déplace
sans fin
et lit se déplaçant
Vie vide et plat Sang.
DANS LE MÊME TRAIN
Entre Belfort-Héricourt et Paris
Terriblement tendu
je voyageais à mes
frais, par un temps du
-r, pas vrai, jamais
si tendu et par un
temps dur, pas frais,
tel celui qui part in-
quiet, mais parfait
par un temps dur et
pas vrai, tel un qui,
usurpateur saturé
par sa propre inqui
-étude, sans voir âge vrai,
sans sens, ‒ voyagerait.
DANS LE BAIN
Quand je lave mes cheveux
je ne chante point
car tout ce que je veux
est de sentir le shampooing
se transformer doucement
en champs poin-
caréens de la mousse men
tale, sans poids, n’
être que terre minérale
qui là se termine et râle
dans la baignoir’ :
jette ce peignoir
entre Hermine et Rat, le
sens s’en imprègne, noir.
LEONOR FINI AU BAIN
L’effort, ô clé en or,
savamment l’ouvre :
toi, plus que Leonor
mais une Louve re
-doutable au décor
dans ce mien Louvre
où les sept nègres
enlèvent ta ceinture :
filles, seins maigres,
en ont sainte cure…
Ainsi tout s’intègre
sur cette peinture :
l’arc de Saint Ingres
et large peine dure.
RÊVE D’HÉRODIADE
Une héroïne mallarméenne entre
Pierrot laforguien et Narcisse valéryen
Ce lit, où Héro-
diade
rêve de son Pierrot
qui a de
gros yeux sidéraux,
et rit à de
-mi en faisant « dix zéros »
de sa tirade,
une vieille romance
qui ainsi commence :
« ÔÔÔÔÔÔÔÔÔÔ ! »
Beau, étonnement !
Ô, Eau aux haux o-
bstacles, c’est ton Amant !
LA CLÉ RENDUE
J’ai quitté la Rue des Vertus le 10 Mars 1993, en laissant ce sonnet, avec la clé,
à Madame Makward,ma logeuse, que je n’ai jamais vue ni connue.
Voici la clé
de la Vertu :
poème bâclé
et le vers tu !
Tu vas vers où,
mon Héracle ?
Ferme le verrou
du spectacle…
Pourquoi t’ext-
asier ?
Le fond du casier
cache le texte
d’une Lettre importante
dont timbre d’or te hante !
GANDE POÉTIQUE
Moins
de mots
loin
du faux !
Au coin
si beau
un point
chaud !
Mais Moi
et mes maux ?
Mémoi-
re, même eau !
Aimons
les monts…
TROIS LACANNERIES
I. Préparation du biberon
Là, quand
très
las, qu’en
vrai
lac an-
cré,
laquant
craie,
Lacan
crée
la can
-ette
et te
tête !
II. Constipation
Lacan
nul
en cal-
cul,
calant
dur cul,
canal
du recul,
cas lent,
calen
-driers
feuillette :
riez,
fillettes !
III. Petite histoire de musique
(en deux hocquets)
Lacan
sciait l’
l’arc en
ciel :
vide
l’art can-
dide
d’Alkan…
An cla
-ssique !
Clan a-
ssis à six q
-queues,
qu’eux !
R.Q. AU BORD DE LA SEINE
Pour Éric Satie.
Rentrez, Marquise,
A votre logis que
Yeux des monqeys
Mordent, c’est logique !
Oeuvre même acquise
N’est qu’un aimant
Dont l’éclat m’attise
Quotidiennement* !
Use de cette scène
En ce temps où le
Nouveau fleuve coule
En évitant ces Ne,
A l’ombre si saine,
Un à un, en foule.
* Ce mot contient 15 lettres et il m’a aidé à mieux remarquer le d i f f e r e n t e m e n t e dans le chant XXII, 16, du Paradis.